Le jugement rendu par le Tribunal correctionnel d’Antananarivo le 15 décembre 2015, sous la présidence de Mme RAMBELO Volatsinana, est devenu un symbole des pratiques judiciaires controversées à Madagascar. Solo, gérant de CONNECTIC et détenteur de 80 % des parts de la société, a été condamné à deux ans de prison avec sursis et à payer 428.492 euros (1,5 milliard d’ariary) à Ranarison Tsilavo, simple associé possédant 20 % des parts. Cette affaire illustre les dérives possibles d’un système judiciaire manquant de transparence et de rigueur.
1. Détails introductifs du jugement
Le jugement n°854/MaS2 rendu le 15 décembre 2015 est basé sur la plainte déposée par Ranarison Tsilavo. Voici les éléments présentés dans le document officiel :
- Partie civile : Ranarison Tsilavo, domicilié au Lot 209 FIV Ambohitravao Talatamaty, représenté par son avocat Maître Fredon Armand RATOVONDRAJAO.
- Prévenu : Solo Niaina Andriambololo-Nivo, gérant de CONNECTIC et détenteur majoritaire des parts de la société.
- Reproches principaux : abus de confiance, avec des accusations concernant des virements internationaux effectués entre 2009 et 2012, supposément au profit d’une société étrangère sans contrepartie.
Énoncés de l’action publique
- Abus de biens sociaux :
- Entre 2009 et 2012, Solo est accusé d’avoir effectué des virements internationaux, totalisant 3.663.933.565,79 ariary (1.047.060 euros), vers une société étrangère (EMERGENT NETWORK SYSTEMS) pour des facturations fictives.
- Ces facturations concernaient des licences de logiciel Cisco jamais commandées ni livrées.
- Usage de faux :
- Création et utilisation de documents comptables incorrects pour justifier les virements.
- Détournement de fonds :
- Manipulation des comptes de CONNECTIC pour masquer ces transactions.
Malgré les présentations des faits, le jugement se contente de réaffirmer les accusations sans fournir une analyse motivée des preuves.
2. Une condamnation sans motivation : une atteinte à la justice
Le jugement se résume en une seule phrase pour motiver la condamnation de Solo :
« Il résulte de preuve suffisante contre le prévenu Solo d’avoir commis le délit d’abus de confiance à lui reprocher. »
Aucune explication supplémentaire n’est donnée pour justifier cette déclaration. Ce manque de motivation est alarmant pour plusieurs raisons :
- Manque de transparence : Le jugement n’explique pas comment les preuves ont été évaluées ni quels éléments ont convaincu le tribunal de la culpabilité de Solo.
- Impossibilité de se défendre en appel : Sans motivations précises, il est difficile de préparer une défense efficace.
- Soupçons de partialité : Le manque de clarté dans les décisions judiciaires renforce les doutes sur l’impartialité du système.
3. Une attribution contestée des dommages-intérêts
Les juges ont attribué la somme de 1,5 milliard d’ariary à Ranarison Tsilavo, simple associé de CONNECTIC. Cela va à l’encontre des principes établis par l’article 6 du Code de procédure pénale malgache, qui stipule que :
- Les dommages-intérêts doivent revenir à la victime directe : Dans ce cas, la société CONNECTIC aurait dû être le bénéficiaire, et non Ranarison Tsilavo.
- Erreur manifeste de droit : L’attribution des dommages-intérêts à un simple associé constitue une application biaisée des règles juridiques.
4. Preuves ignorées par les juges
Malgré la présentation de preuves tangibles par Solo, le tribunal a choisi de les ignorer :
- Virements signés par Ranarison Tsilavo : Les 76 virements internationaux, totalisant 3.663.933.565,79 ariary (1.047.060 euros), ont été signés par Ranarison Tsilavo lui-même.
- Factures émises par Ranarison Tsilavo : Les documents accompagnant les virements ont été également établis et déposés à la banque par lui.
- Manipulation d’un pré-rapport de commissaire aux comptes : Les accusations reposaient sur un pré-rapport non validé, alors que le rapport final avait corrigé ces anomalies.
- Validation comptable : Le commissaire aux comptes, Razananirina Bruno, avait pourtant validé les comptes annuels.
5. Une justice instrumentalisée pour spolier les investisseurs
Cette affaire met en évidence une justice malgache qui semble préférer les gains financiers à la recherche de la vérité :
- Risque pour les investisseurs de la diaspora : Les jugements arbitraires dissuadent les investisseurs malgaches expatriés de revenir placer leur capital au pays.
- Manque de garanties judiciaires : L’absence de motivations dans les jugements fragilise la confiance dans le système.
- Impact économique négatif : Ces pratiques alimentent la fuite des capitaux et nuisent à l’attractivité économique de Madagascar.
6. Arguments de Solo : des points clés évincés
Solo a mis en avant plusieurs arguments solides dans sa défense :
- Pas de préjudice personnel pour Ranarison Tsilavo : Aucun dommage distinct de celui subi par CONNECTIC n’a été démontré.
- Régularité des transactions : Les virements avaient été approuvés par les instances comptables.
- Une erreur judiciaire manifeste : La condamnation repose sur des arguments flous et des preuves manipulées.
Conclusion : une illustration des risques judiciaires à Madagascar
L’affaire Ranarison Tsilavo contre Solo démontre les risques à investir dans un pays où le système judiciaire manque de rigueur et de transparence. Les investisseurs, notamment ceux de la diaspora, doivent se montrer prudents et bien s’informer avant de s’engager à Madagascar.