RANARISON Tsilavo NEXTHOPE : Auteur des 76 Factures et Ordres de Virement de 1 047 060 €, Base de sa Plainte pour Abus de Biens Sociaux contre son Patron Solo, avec Reconnaissance de la Contrepartie Matérielle dans un Email du 25 Avril 2012

Fake news : appliquons nos lois ! le point du 6 février 2018

Action civile d'un associéFake news : appliquons nos lois ! le point du 6 février 2018

« La vérité n’a pas de contraire », disait Georges Braque. Juste formule… La preuve, si nous connaissions la vérité (avec un grand V), nous n’aurions besoin ni de lois ni de justice. Le débat « fake news contre vérité » n’a donc aucun sens. Et laisser l’État ou un acteur privé dire ce que sont le « vrai » et le « faux » au prétexte de lutter contre le fléau des fake news est démocratiquement risqué. Surtout si l’on ne tient pas compte du caractère protéiforme du phénomène : des rumeurs sur les réseaux sociaux aux messages de propagande en passant par l’information officielle décontextualisée, l’expression « fake news » recouvre un large spectre de réalités, dont certaines sont punissables au titre des abus de la liberté d’expression.

Ainsi, pour le juriste, il n’y a pas des « fake news » mais des diffamations, des fausses informations troublant l’ordre public, de la publicité mensongère, du dénigrement, etc. L’objectif est, selon le cas, de manipuler l’opinion (lobbys, groupes de pression…), de fausser les cours de Bourse, de discréditer un concurrent, d’orienter des choix politiques, de distiller de la haine contre une communauté, ou, plus trivialement, d’attirer du trafic en diffusant des contenus extravagants ou provocateurs. Naturellement, moins le domaine concerné est scientifiquement verrouillé (par exemple, la nocivité discutée de certains vaccins), plus il favorise l’imposture. Avant d’imposer aux plateformes de censurer des informations selon des critères objectivement incontestables, examinons ce qui, aux yeux de la loi, franchit la ligne rouge de l’interdit. Réponses de Renaud Le Gunehec, avocat spécialiste du droit des médias, associé du cabinet Normand et associés.

« And the FAKE NEWS winners are… CNN, The Washington Post (…) », a tweeté Donald Trump le 17 janvier dernier : de quelle fake news relève ce type de communiqué ?

Cela pourrait être une diffamation envers CNN et The Washington Post qui se voient accusés de diffuser des fausses nouvelles, ce qui est plutôt diffamatoire. On peut aussi penser à une injure si l’on considère que la formule ne recouvre aucun fait précis. Mais compte tenu de son ironie, un tel propos relève surtout du libre débat public, qui autorise l’exagération, la provocation… et parfois un peu de mauvaise foi.

Laisser entendre qu’Emmanuel Macron a un compte aux Bahamas lors d’un débat télévisé ou sur un site d’information…

Avoir un compte bancaire à l’étranger n’est pas en soit illégal, mais il faut le déclarer à l’administration. Ici, le propos peut être diffamatoire dès lors que dans le contexte on sous-entend qu’il y a fraude fiscale. Il pourrait aussi s’agir d’un « bruit calomnieux » ayant « détourné des suffrages », délit puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 euros (1). Cela suppose de démontrer un impact sur le scrutin.

Un faux profil sur Twitter créé pour diffuser des informations mensongères telles que « comment Poutine utilise Marine pour détruire l’Europe ? »

Ce pourrait être une diffamation, qui est une allégation qui porte atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne, nommément désignée ou identifiable, punie de 12 000 euros d’amende (2).Ce peut aussi être une fausse nouvelle de nature à fausser le scrutin si on est en période électorale. Si le faux profil sur Twitter reprend l’identité d’une personne existante, il peut y avoir aussi usurpation d’identité numérique, délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (3).

Profiter du tremplin « balancetonporc » pour dénoncer faussement un ancien patron ou collègue de travail. Éric Brion, le premier « porc balancé », évoque une « diffamation », estimant qu’il n’a pas « harcelé » Sandra Muller, avec laquelle il déclare n’avoir jamais travaillé…

Si la dénonciation est publique, sur les réseaux sociaux, il peut y avoir diffamation, sauf à démontrer la véracité des faits dénoncés (2). Ce peut être, aussi, une dénonciation calomnieuse, punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, si elle est adressée à une autorité officielle comme un policier ou un supérieur hiérarchique (4).

Inventer un attentat récent, comme l’a fait Donald Trump avec la Suède, pour rehausser son discours sur l’immigration…

Il pourrait s’agir véritablement d’une « fausse nouvelle » au sens de l’article 27 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 (5). Les trois conditions du délit sont réunies : une nouvelle fausse, une nouvelle au sens propre (diffusée pour la première fois et pas simplement recyclée), et un risque de trouble à l’ordre public, ici en suscitant une crainte ou une panique injustifiées. Mais en l’espèce, c’était en Suède…

En 2016, le groupe Vinci était victime d’un hoax, autrement dit d’un faux document faisant état d’erreurs alarmantes sur la comptabilité du groupe. Résultat : les cours de Bourse ont dégringolé de près de 20 % en quelques heures.

Ici nous sommes dans le domaine financier. Le code monétaire et financier punit la diffusion de fausses informations de nature à influencer les cours de Bourse (6).

Quelques mois plus tard, une fausse dépêche affirmait que « Google avait acheté Apple », mais cette fois les marchés ont tenu bon.

Cet exemple relève de la même infraction que le cas précédent, dès lors que les fausses informations sont susceptibles d’influer sur les cours, même si ça n’a pas été effectivement le cas…

Quid du faux témoignage d’une femme à des journalistes racontant son expérience de « mère porteuse » ?

Si c’est un montage organisé par les journalistes, c’est une faute déontologique, mais pas une fausse nouvelle au sens de la loi. Car il n’y a pas de trouble à l’ordre public. Et pour ce qui est de la fausse mère porteuse…, c’est une menteuse, ce qui n’est pas toujours illégal…

Une fausse critique sur Tripadvisor pour se venger d’un restaurant ou dézinguer un concurrent. Les enquêteurs de la DGCCRF constatent régulièrement que des professionnels se font passer pour des consommateurs dans le but de valoriser, de manière déloyale, leur entreprise…

C’est l’une des rares situations où l’on peut agir en justice sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun (article 1240 du code civil) : la critique des produits et services, lorsqu’elle est malveillante et fondée sur des faits mensongers. Et c’est le cas si cette fausse critique est totalement inventée. C’est la même chose entre concurrents : le dénigrement, qui consiste à porter atteinte à l’image de marque d’une entreprise ou d’un produit désigné afin de détourner la clientèle, est un contentieux assez courant devant les tribunaux de commerce.

Qu’en est-il des mensonges sur les produits et services proposés aux consommateurs, régulièrement épinglés par la DGCCRF ? Par exemple, le fait de présenter une montre « en or » alors qu’elle est en plaqué or, d’indiquer qu’un meuble est en chêne massif alors qu’il s’agit de plaqué bois, de préciser qu’une volaille est élevée en plein air alors qu’elle l’a été de manière industrielle, ou encore, de proposer des produits biologiques qui n’en sont pas…

Ces exemples relèvent des pratiques commerciales déloyales ou trompeuses, passibles de peines de prison et d’amendes (7).

Affirmer, comme l’avait fait un chirurgien britannique en 1998 avec le vaccin pour la rougeole, qu’un vaccin augmente les risques d’autisme chez les enfants…

On retrouve les « vraies » fausses nouvelles de l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881 (5) : il peut y avoir un trouble à l’ordre public, car on est dans le domaine de la santé publique, et ce genre de propos peut dissuader les parents de faire vacciner leurs enfants. Mais il faudra vraiment prouver que c’est une nouvelle fausse, sans aucun fondement scientifique… Difficile de faire la part avec le libre débat scientifique.

De quelle infraction relève un photomontage diffusé sur les réseaux sociaux, comme celui qui avait montré Melania Trump la main posée sur la cuisse d’Emmanuel Macron lors du dîner réunissant les deux couples présidentiels, en 13 juillet 2017, à la tour Eiffel ?

Si le montage n’est pas signalé comme tel, ou s’il n’apparaît pas de manière évidente (un montage ouvertement caricatural par exemple), cela peut constituer le délit de montage réalisé avec l’image d’une personne sans son consentement (8).

Que risquent les auteurs de fausses alertes à la bombe ou du déclenchement d’une alarme attentat ?

Deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende (9).

L’avis de Me Renaud le Gunehec : « Parier sur l’intelligence collective et la maturité des utilisateurs »

Le mensonge est réprimé plus ou moins directement par de très nombreux textes de loi, dans le domaine de la presse et des médias, mais aussi dans le domaine de l’économie, de la santé publique, dans le domaine électoral… Nous avons en France une tradition historique d’encadrement et de répression judiciaire des abus de la liberté d’expression. Paradoxalement, c’est un système qui garantit la liberté d’expression car les poursuites sont très règlementées et le juge est érigé en protecteur des libertés publiques. Mais cette approche peut-elle survivre au flot des réseaux sociaux ? La loi est forcément débordée. Et les procédures sont lourdes et tatillonnes, c’est inévitable sauf à prendre le risque de réprimer aveuglément ou hâtivement des propos.
Les contentieux augmentent, c’est certain, et on retrouve à la barre des particuliers, des blogueurs, des twittos, qui n’ont pas la même conscience de la gravité de ces questions qu’un journaliste. Mais il est clair que la réponse pénale n’est pas adaptée aux fake news, et le procès pénal n’a pas la rapidité nécessaire face à un tel phénomène.
Du reste, le fait d’ajouter un nouveau texte à tous ceux qui existent déjà n’atteindrait pas l’objectif visé. Il est illusoire de penser que l’on peut empêcher ou réprimer par la loi une fausse nouvelle qui se diffuse sur les réseaux sociaux de manière virale, mondiale, quasi instantanée et souvent anonyme.
Peut-être faudra-t-il un jour compter uniquement sur l’autorégulation des réseaux…, ce qui revient à parier sur l’intelligence collective et la maturité des utilisateurs. Les réseaux eux-mêmes ont une grande responsabilité à cet égard. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que face aux abus de la liberté d’expression, le meilleur remède est… toujours plus d’information. Qui parle ? Qui est derrière la fausse nouvelle ? Dans quel intérêt ? Avec le « fact-checking », une fake news ne survit pas longtemps sur les réseaux, elle est vite décelée et contredite. Les réseaux sociaux sont comme Wikipédia où la vérité se construit par l’addition de centaines de contributions qui se corrigent les unes les autres. »

(1) Article L. 97 du code électoral : « Ceux qui, à l’aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s’abstenir de voter, seront punis d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros. »

(2) Article 32 de la loi du 29 juillet 1881  « La diffamation commise envers les particuliers par l’un des moyens énoncés en l’article 23 sera punie d’une amende de 12 000 euros. La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement. Sera punie des peines prévues à l’alinéa précédent la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap.

(3) Article 226-4-1 du code pénal : Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne.

(4) Article 226-10 du code pénal : La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu’elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d’acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n’a pas été commis ou que celui-ci n’est pas imputable à la personne dénoncée.

(5) Article 27 de loi du 29 juillet 1881 : « La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d’une amende de 45 000 €. Les mêmes faits seront punis 135 000 € d’amende, lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi sera de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ou à entraver l’effort de guerre de la Nation. »

(6) article L. 465-3-2 du code monétaire et financier : « Est puni de [cinq ans d’emprisonnement et de 100 millions d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple du montant de l’avantage retiré du délit, le fait, par toute personne, de diffuser, par tout moyen, des informations qui donnent des indications fausses ou trompeuses sur la situation ou les perspectives d’un émetteur ou sur l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier ou qui fixent ou sont susceptibles de fixer le cours d’un instrument financier à un niveau anormal ou artificiel. La tentative de l’infraction prévue au I du présent article est punie des mêmes peines. »

(7) Article L132-2 du code de la consommation Les pratiques commerciales trompeuses mentionnées aux articles L.121-2 à L.121-4 sont punies d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros. Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit.

(8) Article 226-8 du code pénal : « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en est pas expressément fait mention ».

(9) Article 322-14 du Code pénal :« Le fait de communiquer ou de divulguer une fausse information dans le but de faire croire qu’une destruction, une dégradation ou une détérioration dangereuse pour les personnes va être ou a été commise est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Est puni des mêmes peines le fait de communiquer ou de divulguer une fausse information faisant croire à un sinistre et de nature à provoquer l’intervention inutile des secours. »

(10) Article L443-2 du code du commerce : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’opérer la hausse ou la baisse artificielle soit du prix de biens ou de services, soit d’effets publics ou privés, notamment à l’occasion d’enchères à distance : 1° En diffusant, par quelque moyen que ce soit, des informations mensongères ou calomnieuses ; (…) 3° Ou en utilisant tout autre moyen frauduleux. La tentative est punie des mêmes peines. II-Lorsque la hausse ou la baisse artificielle des prix concerne des produits alimentaires, la peine est portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. (…) »

 

http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/laurence-neuer/fake-news-appliquons-nos-lois-06-02-2018-2192655_56.php

 


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