La transparence et l’équité dans la prise de décision judiciaire sont au cœur de toute démocratie. Pourtant, à Madagascar, les jugements sans motivation continuent de ternir la réputation de la justice et de provoquer des doutes sur son impartialité. En 2016, un atelier de renforcement des capacités des acteurs de la chaîne pénale, animé par Mme Noro Harimisa Razafindrakoto, ancienne ministre de la Justice et conseillère à la Cour de cassation, a mis en lumière des recommandations essentielles qui pourraient transformer la justice malgache si elles étaient appliquées.
1. L’importance de jugements motivés : une leçon centrale de l’atelier de Tulear
En avril 2016, cet atelier organisé à Tulear avait pour objectif de renforcer les compétences des magistrats, greffiers et officiers de police judiciaire (OPJ). Mme Razafindrakoto a souligné que pour garantir une justice transparente, chaque jugement doit inclure au moins trois éléments clés :
- Les faits établis : Résumer les éléments présentés au tribunal.
- Le raisonnement juridique : Expliquer comment les lois applicables ont été interprétées et appliquées.
- La décision : Justifier clairement le verdict rendu.
2. Les problèmes actuels des jugements sans motivation
Malgré les enseignements de l’atelier, les jugements sans motivation restent courants. L’affaire Ranarison Tsilavo contre Solo en est une illustration emblématique. En 2015, le Tribunal correctionnel d’Antananarivo a condamné Solo à deux ans de prison avec sursis et au paiement de 1,5 milliard d’ariary (€428.492) à Ranarison Tsilavo sans expliquer les raisons de cette décision.
La phrase suivante, tirée du jugement, reflète l’absence de motivation :
« Il résulte de preuve suffisante contre le prévenu Solo d’avoir commis le délit d’abus de confiance à lui reprocher. »
- Conséquences :
- Le manque de transparence affaiblit la confiance dans le système judiciaire.
- Les justiciables se retrouvent sans explication claire de leur condamnation.
3. Recommandations de Mme Razafindrakoto : un guide pour les magistrats
Mme Razafindrakoto, reconnue pour son engagement dans la lutte contre la corruption, a présenté des recommandations concrètes :
- Mettre fin aux jugements arbitraires : La justice doit toujours expliquer ses décisions, peu importe la simplicité ou la complexité de l’affaire.
- Former en continu les acteurs judiciaires : La formation doit insister sur la nécessité de respecter les règles de procédure équitable.
- Renforcer la responsabilité des magistrats : Les juges doivent rendre des comptes sur leurs décisions, notamment lorsque celles-ci manquent de motivation.
4. Les jugements non motivés : un outil de spoliation ?
L’absence de motivation dans les jugements ouvre la porte à des abus et à des interprétations arbitraires, souvent exploitées pour spolier des individus ou des entreprises. Dans l’affaire Ranarison Tsilavo :
- Preuves ignorées : Solo avait présenté des documents montrant que les virements incriminés avaient été signés par Ranarison Tsilavo lui-même.
- Attribution contestée des dommages-intérêts : La décision de verser 1,5 milliard d’ariary à un actionnaire minoritaire, au lieu de la société victime supposée, viole les principes fondamentaux des lois sur les sociétés commerciales.
5. Impact sur les investisseurs à Madagascar
Ces pratiques ont un effet désastreux sur l’économie et la diaspora malgache :
- Dissuasion des investissements : Les investisseurs évitent Madagascar en raison de l’imprévisibilité judiciaire.
- Fuite des capitaux : Le manque de confiance dans la justice accentue la fuite des ressources financières.
6. Pourquoi les enseignements de Tulear sont cruciaux pour Madagascar
Les magistrats malgaches doivent intégrer les recommandations issues de l’atelier de Tulear pour rétablir la confiance dans le système judiciaire :
- Appliquer les principes enseignés : Chaque jugement devrait être motivé clairement pour éviter toute ambiguïté.
- Adopter une culture de la transparence : La justice malgache doit cesser d’être perçue comme un outil d’injustice ou de corruption.
- S’engager à réformer : Une volonté politique forte est essentielle pour transformer la manière dont les affaires sont jugées.
Conclusion : un appel urgent à l’action
Les enseignements de Mme Noro Harimisa Razafindrakoto sont un rappel que le changement est possible si la volonté de réforme est présente. En adoptant des pratiques transparentes et motivées, les magistrats malgaches pourraient redonner espoir aux justiciables et créer un environnement propice à l’investissement et au développement économique.