ABOLITION. C’est que réclame la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH), s’agissant des privilèges statuaire de certains corps au sein de l’administration et de la fonction publique en matière de poursuite judiciaire. Une exception qui tronque le principe d’égalité de tous devant la loi et la Justice.
C’est dans un communiqué de presse publié, hier à l’occasion de la journée internationale de soutien aux victimes de torture, que la CNIDH fait ce plaidoyer. Dans cette missive, la Commission des droits de l’Homme rappelle, notamment, les cas de torture, de deux policiers par des habitants de la localité d’Antsakabary, en 2017.
Ces derniers ayant, aussi, fait l’objet d’acte de torture, lors de représailles policières, quelques jours après, selon le rapport d’investigation de la Commission.
Concernant la vindicte populaire contre les policiers, la poursuite judiciaire a déjà abouti à des arrestations. S’agissant des représailles contre les civils, la CNIDH déplore que bien que ce traitement inhumain, cruel et dégradant, ait soulevé une vague d’indignation nationale et internationale, les autorités(…), un an après, se contentent d’affirmer que le dossier est entre les mains de la Justice.
Blocage
La Commission pointe du doigt comme l’un des principaux obstacles à la manifestation de la vérité, le privilège statuaire des fonctionnaires de police. Il s’agit du principe de l’autorisation de poursuite.
A l’article de la loi 17 de la loi portant statut général autonome du personnel de la police nationale, il est prévu que hors les cas de crimes et délits flagrants, la poursuite des fonctionnaires de police est soumise à l’autorisation du ministre chargé de la police nationale. Dans le communiqué d’hier, la CNIDH affirme qu’à notre connaissance, aucun ordre de poursuite n’a été signé à ce jour, ce qui bloque l’ouverture des poursuites judiciaires.
Dans son plaidoyer, la Commission des droits de l(homme demande ainsi, au ministre de la Sécurité publique la signature de l’autorisation de poursuite afin que ces crimes ne restent pas impunis. Sur le long terme et à une dimension plus générale, la CNIDH réclame l’abolition des privilèges statuaires qui constituent un obstacle flagrant à l’effectivité de dispositions fondamentales de notre Constitution, affirme-t-elle.
« La loi est l’expression de la volonté générale. Elle est la même pour tous, qu’elle protège, qu’elle oblige ou qu’elle punisse. Tous les individus sont égaux en droit et jouissent des mêmes libertés fondamentales protégées par la loi sans discrimination(…) », prévoit l’article 6 de la Constitution. A son article 13, elle ajoute, notamment, que la loi assure à tous le droit de se faire rendre justice.
Comme le confirme un juriste contacté, outre les policiers, les autres fonctionnaires des Forces de défense et de sécurité (FDS), jouissent du privilège statuaire qu’est l’autorisation préalable de poursuite. Pareillement, pour les magistrats et les avocats, entre autres.
« C’est un principe qui découle d’un esprit de corps. Il s’agit, aussi, d’une manière de protection contre les représailles politiques ou de l’administration », explique-t-il. Il ajoute, toutefois, que ce privilège statuaire qui serait d’utilité dans un régime d’autorité et emprunt aux excès de pouvoir, n’a pas d’utilité dans un Etat de droit en démocratique.
« Ce privilège devient, au contraire, un blocage au bon déroulement des poursuites judiciaires et instaure une inégalité de traitement devant les juridictions et la loi », souligne le juriste contacté. Cette exception serait, par ailleurs, contraire à toutes les conventions internationales signées par Madagascar, comme la déclaration des droits de l’homme et le pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Garry Fabrice
Ranaivoson